Manifeste
Qui sommes-nous ?

Nous croyons à la démocratie.
Pour faire démocratie, pour décider à plusieurs, il faut organiser le pouvoir. Nous affirmons qu’il ne doit pas s’agir de désigner des chef·fes, mais d’identifier où se jouent les dominations entre nous, analyser collectivement nos intérêts parfois singuliers et contradictoires, directement avec les personnes concerné·es.
Cela doit être un travail permanent. Toujours plus de démocratie !
Nous voulons nous autoriser à penser.
Il faut l’accepter : nous ne sommes pas neutres et tout est idéologique. Il est nécessaire de reconnaître et nommer l’idéologie dominante. Celle dans laquelle nous baignons et en dehors de laquelle nous ne parvenons souvent pas à raisonner, celle qu’il est impossible de questionner et de critiquer.
Nous ne croyons pas au mérite, à la performance, aux résultats évaluables, à la compétition. Nous refusons de nous croire condamné·es à vivre dans une société capitaliste néolibérale et managériale. Nous revendiquons le droit de rêver, de songer aux utopies et de laisser une place à la poésie face au tout rationnel.
Nous acceptons le fait que c’est compliqué.
Pour agir, il faut prendre en compte toute la complexité du réel. Cet exercice est permanent et il est nécessaire de sans cesse nous requestionner, pour réajuster nos actions et nos manières de faire. Le figé est mortifère.
Nous n’avons pas de plan, et savons qu’on ne peut pas tout prévoir. Nous sommes tous et toutes faillibles, et c’est tant mieux. Nous souhaitons travailler, c’est-à-dire faire l’expérience de ce qui résiste.
Nous ne voulons pas le pouvoir, nous voulons pouvoir.
Nous croyons en la puissance du récit de vie. Se raconter collectivement nos vécus, nos expériences, nos ressentis et nos émotions, permet d’élargir et de déconstruire notre vision du monde. Nous ne sommes qu’à la marge la source de nos problèmes, qui sont politiques, c’est-à-dire structurels, qui concernent tout le monde.
Nous pensons que nous sommes tous et toutes capables de nous émanciper, de résister et d’agir. Nous croyons aux rapports de force, aux conflits et aux confrontations. Nous affirmons qu’il est hautement constructif de lutter et de mener des actions subversives.
Nous pouvons le faire. Faire exister des alternatives concrètes, à notre échelle, et contribuer à changer le monde par le bas.

Nous avons décidé de nous appeler « la braise ».
La braise, ça veut dire que le potentiel est là. Peut-être sommeille-t-il parfois. Il suffit alors de souffler dessus pour le libérer et le rallumer. C’est exactement ce que nous voulons faire : nous ne créons rien seuls, nous travaillons avec et non pour les gens.
Les constats qui nous mettent en colère :
- Les inégalités demeurent : de plus en plus de pauvres d’un côté et de concentration des richesses de l’autre, les femmes moins considérées que les hommes sur de nombreux plans, le savoir universitaire trop souvent considéré comme seul légitime, et tant d’autres inégalités qui révèlent les dominations qui s’opèrent dans la société et dont nous sommes à la fois vecteurs et victimes.
- La qualité de vie se dégrade : nos vies sont précarisées et rythmées par l’emploi que nous avons ou que nous cherchons, au point qu’il nous est difficile de questionner le sens de notre existence en dehors de cette perspective.
- Nous déplorons la logique managériale qui s’impose dans toutes les sphères de la société, privilégiant le résultat sur le cheminement, visant la performance à tout prix et organisant la mise en concurrence de tous et toutes. Plus spécifiquement, nous notons la fonctionnalisation des associations, c’est-à-dire l’évacuation progressive du politique et du subversif de leur action au profit d’une logique de projet et de course mortifère aux subventions.


- Le pouvoir décisionnaire est accaparé par une frange de la population présentée comme l’élite, le·a citoyen·ne est surtout invité·e à élire celles et ceux qui décideront à sa place. Même localement il sera au mieux consulté, à défaut d’être lui-même au cœur des processus de réflexion, de décision et de contrôle de la réalisation.
- Le mythe du désintéressement des bénévoles dans les associations, celui de la bienveillance non-violente qui devient parfois une tyrannie des besoins individuels, la soumission aux cadres de négociation institués par celles et ceux qui sont en position de domination, empêchent la formulation d’intérêts contradictoires et leur mise au travail. Pourtant sans conflit, pas de démocratie : comment, sans cela, laisser une vraie place à chacun·e dans un collectif ?
- La langue de bois est par ailleurs si prépondérante qu’elle fait norme et nous amène à employer des mots sans en questionner le sens. Par exemple nous disons vivre dans une démocratie, comme si la France et tous les pays qui s’en réclament avaient atteint une barre symbolique et légitime. Nous affirmons que ça n’est pas si simple et à la question « Vivons-nous dans une démocratie ? » nous préférons « Comment faisons-nous démocratie ? » ou « Comment la démocratie vit en nous ? ».
- Et plus globalement, que les discours dominants, médiatiques, sans cesse et partout martelés, ne nous laissent pas penser à un autre monde. Il n’y a aurait pas d’alternative.
Ne nous empêchons pas de rêver !
- Nous visons une réappropriation franche et profonde du politique par tous et toutes. Nous voulons que chacun·e puisse faire toujours plus l’exercice de la démocratie et, parce que nous pensons que faire démocratie n’est pas quelque chose d’inné, nous exprimons l’importance d’expérimenter et de s’outiller. La démocratie n’est pas un état mais une pratique qui requiert un exercice quotidien.
- Nous souhaitons travailler à prendre conscience de la place que nous occupons. Des dominations se jouent et doivent être mises au travail, par les opprimé·es comme par les dominant·es. Nous pensons que mettre des mots sur des sentiments d’injustice et s’atteler à en comprendre les causes encourage l’insoumission.
- Nous voulons nous émanciper, sortir de la place qui nous a été assignée (par les rapports sociaux, notre genre, notre culture d’origine…) et considérer avec davantage de force l’idée que ce qui nous semblait impossible ne l’est finalement sûrement pas.
- Nous souhaitons un maximum de conflits, pour que chacun·e continuer de s’exercer à la démocratie : que les collectifs puissent les animer en leur sein et ainsi ne jamais s’arrêter de mettre en lumière leurs dominations et contradictions, que l’on puisse envisager de rentrer en conflit comme stratégie d’action.
- En situation de domination, il est nécessaire d’agir collectivement pour exister et peser sur les prises de décisions qui nous concernent. Créer du rapport de force est une condition à l’expérience de la démocratie. Nous aimons la formulation “développer notre capacité à ne plus subir l’histoire mais à la faire”.

Nous savons que nous ne sommes pas seuls et on a vraiment l’intention de faire réseau.
Faire réseau, c’est se considérer comme allié·es, travailler intelligemment avec celles et ceux qui s’activent également et ont des actions qui ré-ai-sonnent avec les nôtres. Il ne s’agit ni de comparaison ni de concurrence mais d’additionner des actes qui se nourrissent.
C’est aussi promouvoir ce qui ne nous ressemble pas forcément mais qui participe à une transformation sociale. Localement d’abord, pour travailler en proximité et dans la durée. Nationalement ensuite, pour nourrir nos pratiques entre collègues et s’assurer de mener des actions complémentaires sur le plus de territoires possible.
Comment on compte faire ?
Nous n’avons pas de recettes toutes faites puisque nous voulons faire avec les gens. Si nous privilégions le vécu sur le prévu, nous nous appuyons néanmoins sur une démarche travaillée qui permet de mettre les personnes qui nous sollicitent au cœur de la réflexion et de l’action.
Nous endossons des postures de faciliteurs·trices en refusant d’être celles et ceux qui détenons le savoir. Nous invitons les personnes avec qui nous travaillons à se raconter, et nous voyons ce qu’il se passe : “qu’est-ce que ça donne ?“, plutôt que “à quoi ça sert ?“. Nos outils d’animation de groupe sont donc réadaptés en permanence pour et par le collectif. Nous prenons le temps de réfléchir aux questions de fond et de faire ce “pas de côté” qui permet l’analyse de son vécu et de ses pratiques, sans lequel on ne transforme rien.
Nous privilégions les méthodes actives : nous partons du vécu et du savoir des personnes, nous tâchons de penser l’organisation de l’espace et du temps de parole au regard des jeux de domination, nous encourageons la réflexion et l’action collectives, nous mettons en situation, nous puisons dans l’histoire et l’actualité de l’éducation populaire afin de proposer des méthodes impliquantes pour les participants.
Une forme coopérative
Nous ne dissocions pas le discours de l’action et, à l‘image de ce que nous prônons, nous voulons aussi expérimenter la démocratie en interne.
- Nous voulons avoir la maîtrise de ce que nous faisons : décider, agir et assumer nos actes sans nous retrancher derrière une quelconque autorité hiérarchique ou subir des injonctions qui ne font pas sens.
- Dans la coopérative, 1 personne = 1 voix. Nous expérimentons dans un cadre professionnel l’horizontalité et les modalités de prise de décision que cela implique.
- Nous voulons tendre vers davantage d’indépendance en nous affranchissant du subventionnement qui pose ses conditions.
Nous savons que nous allons toujours faire face à des biais, difficultés et questionnements éthiques. Nous devons nous aussi travailler nos dominations – notamment de genre et de rapport au savoir –, faire l’exercice du pouvoir, animer nos propres conflits. Ce n’est jamais terminé, ce travail est permanent. Nous n’en sommes pas moins enthousiastes !

